Les hybrides

Colère, cri d’alarme, constat d’impuissance ? Ces images reflètent le monde tel que le voit Claudie Vernay.

« Claudie Vernay a posé cette année, un regard inquiet sur la nature et les transformations qu’elle subit au contact d’une société en dérive, dirigée par le pouvoir du profit.

A sa technique antérieure, déjà mixte, s’ajoute maintenant le procédé de pixellisation.
Ces images hybrides reflètent son interrogation par rapport à la nature. Ici, les pixels apparaissent comme un symptôme, une atomisation de tout, pour parer à l’empire de la science et de la technique lorsque celles-ci sont employées sans éthique, uniquement à des fins de profit financier.

Son travail s’articule autour d’une question inquiétante : en manipulant la nature qui nous entoure, l’homme lui porte-t-il atteinte de façon irrémédiable, et met-il l’humanité en danger ?
L’expression de cette interrogation, ce sont des images à mi-chemin entre la science et la peinture où la pixellisation intervient comme une menace pour l’équilibre du monde. Le danger ressenti est celui de perdre le contrôle sur le pouvoir de la science et de l’argent. L’émotion serait alors remplacée par la technologie.

Et voici quelques exemples :
– La plupart des bouquetins du Bargy ont été exterminés pour cause de « brucellose » alors qu’une solution alternative existait plutôt que l’abattage massif à l’aveugle. La situation décrite sur ce tableau est celle d’un animal sacrifié à une solution expéditive et non démocratique, occultant la question de l’éthique.
– Une autre toile, l’épandage aérien, exprime une interrogation autour des risques avérés : cancers et autres maladies provoquées par les pesticides. La question économique refait son apparition en négligeant entièrement le souci de santé publique et l’équilibre naturel. Les pixels sur la toile symbolisent le fantôme de la technologie qui prime sur l’harmonie de la nature. La technologie et le profit demeurent le facteur gagnant.

Le rôle de l’artiste est de sonner l’alarme avant qu’on ne plonge dans la dictature de la technologie où la nature restera présente seulement sur les images fixes et virtuelles, ou encore, fera partie du passé. L’artiste est gardien d’un certain ordre et de valeurs véhiculées à travers les siècles ( liberté, beauté, …). Le monde qui nous entoure demeure un référent essentiel. Il ne s’agit pas de donner de leçon ni de susciter le débat politique, mais de provoquer une réflexion. »

Texte de Anna Maciejewska